Diversité, équité et inclusion : un enjeu crucial pour l’avenir de l’hydroélectricité

Michelle Branigan, directrice générale à Ressources humaines, industrie électrique du Canada, donne un avant-goût de son panel à la Semaine de l’hydroélectricité canadienne.

Diversité, équité et inclusion (DEI) sont plus que des mots à la mode. Ce sont des valeurs essentielles pour la santé à long terme de toute organisation professionnelle, y compris les producteurs d’hydroélectricité et leurs fournisseurs.

En guise d’avant-goût de la Semaine de l’hydroélectricité canadienne (du 6 au 8 octobre 2021), nous avons interviewé Michelle Branigan, directrice générale de l’organisme Ressources humaines, industrie électrique du Canada.

Mme Branigan animera une séance plénière intitulée « Comment favoriser l’équité, la diversité et l’inclusion au sein de notre main-d’œuvre ». Joignez-vous à la discussion le 6 octobre prochain à 14 h 45, heure de l’Est.

Q : Commençons par la base. Qu’est-ce que la DEI?

R : La diversité, traditionnellement, désigne l’ensemble de ce qui différencie les gens. On pense à la race, au genre, à la religion, à l’orientation sexuelle, et ainsi de suite.

L’équité s’appuie sur le principe du traitement égal pour tous. Les mêmes possibilités, les mêmes accès, les mêmes perspectives d’avancement. Il s’agit de créer les conditions d’égalité des chances pour tous.

L’inclusion renvoie au sentiment d’appartenance et de valeur individuelle au sein de l’organisation. Vous pouvez avoir des équipes très diverses, cela ne se traduit pas nécessairement par une ambiance d’inclusion dans le milieu de travail.

Q : Pourquoi la DEI est-elle un enjeu important pour les entreprises en général, et dans le secteur de l’hydroélectricité en particulier?

R : Dans de nombreux secteurs industriels, y compris l’hydroélectricité et l’électricité en général, l’industrie n’a pas vraiment suivi l’évolution démographique de la population canadienne.

Historiquement, l’industrie électrique a été largement masculine. Elle a été très lente à s’adapter au changement. Nous devons créer les conditions pour que tous les Canadiens se sentent les bienvenus dans cette industrie et soient tentés d’y faire carrière.

Q : Où en est-on avec la DEI dans le secteur de l’électricité dans son ensemble?

R : Toutes nos recherches en DEI nous indiquent que les barrières à l’entrée pour les groupes sous-représentés sont encore bien présentes dans cette industrie.

Les femmes ne représentent que  26 % de la main-d’œuvre dans le secteur de l’électricité. Dans les métiers manuels, cette proportion n’atteint pas 7 %. Dans les postes de direction, la proportion de femmes n’est que de 25 %. La situation s’améliore, mais les chiffres n’ont pas tellement bougé dans la dernière décennie.

Les Autochtones dans le secteur de l’électricité représentent un peu plus de 4 % de la main-d’œuvre, et sont fortement concentrés dans les emplois manuels.

Les personnes handicapées représentent moins de 3 % de notre main-d’œuvre. Quant aux travailleurs formés à l’étranger, l’industrie électrique se situe sous la moyenne, soit 15 %, comparativement à 25 % pour l’ensemble des autres industries. Il en est de même pour les minorités visibles, avec des chiffres vraiment bas.

La situation commence à s’améliorer quelque peu, mais notre industrie a une sérieuse côte à remonter, et cela nécessitera des efforts.

Q : À quels genres d’obstacles se butent les groupes sous-représentés?

R : Il y a d’abord les obstacles à l’embauche, évidemment. Mais il ne faut pas non plus perdre de vue qu’il y a aussi des obstacles côté rétention.

Nous voulons attirer les gens à venir travailler dans notre industrie, mais encore faut-il ensuite leur donner envie d’y demeurer.

Les obstacles côté rétention peuvent être structurels, au sein de l’organisation, ou sociaux (par exemple, une rémunération non équitable).

Les obstacles à l’embauche peuvent émerger dès l’entrevue de sélection. Des biais inconscients peuvent amener à choisir des candidats qui reflètent la composition du comité de sélection, plutôt que des candidats évalués strictement sur leurs qualités et leurs compétences.

Autre obstacle possible : les descriptions de poste qui ne sont plus à jour ou qui contiennent des exigences non essentielles pour le poste, comme un permis de conduire. Cela pourrait être un obstacle pour les Autochtones en régions éloignées, qui n’ont jamais eu besoin d’un permis de conduire.

La perception est importante, entre autres obstacles communicationnels. Si un candidat potentiel consulte votre site Web ou votre rapport annuel et n’aperçoit personne qui lui ressemble, il est peu probable qu’il s’imagine avoir une belle carrière dans votre organisation.

D’autres obstacles peuvent concerner l’éducation et la diffusion de l’information sur les carrières. D’ailleurs, bien des entreprises d’électricité collaborent avec des écoles secondaires et même primaires, afin d’éveiller chez les jeunes l’intérêt pour une carrière dans l’industrie, et de leur faire voir les possibilités qui s’offrent à eux. Les messages communiqués doivent être invitants et inclusifs.

Q : Comment mesurez-vous le succès en DEI? Quels sont vos indicateurs?

R :  Il est vraiment important que les entreprises adoptent des politiques et des pratiques qui visent à mesurer l’impact des approches qu’elles adoptent pour développer la DEI.

Cette information doit être disponible, car c’est ce qui permet de constater, chiffres à l’appui, les progrès accomplis au fil du temps.

Je dois le préciser, aucune pratique d’entreprise ne peut à elle seule contenir la solution.

En effet, c’est par la culture que le changement s’opère. Des politiques et des pratiques exemplaires sont nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes en elles-mêmes. Elles doivent pouvoir s’appuyer sur une culture en milieu de travail vraiment forte, qui favorise une pleine inclusion.

Entre autres indicateurs : combien y a-t-il de femmes dans les postes de direction, quel est le degré de rétention chez les groupes sous-représentés?

Y a-t-il un suivi des données sur des aspects de l’identité comme l’invalidité et le genre? Et comment mesurez-vous l’effet des programmes ou initiatives axés sur la diversité, l’équité et l’inclusion? Les formules possibles sont très nombreuses, comme le mentorat, les horaires flexibles, les congés parentaux, ce genre de chose.

Comment faites-vous pour savoir si ces mesures fonctionnent réellement? Le plus important, c’est de bien prendre le temps au départ d’établir un point de référence, auquel vous pourrez comparer les résultats obtenus après un certain temps.

Q : Qui est responsable de la DEI dans une organisation, et quelle est l’importance d’avoir un appui solide de la haute direction?

R : Il est essentiel d’avoir des alliés au sommet de la pyramide. Il faut au départ sensibiliser les dirigeants et développer une vision commune, mais cela doit ensuite se traduire par un réel engagement de leur part.

Nous avons consacré beaucoup de temps, au cours de la dernière décennie, à démontrer les bénéfices concrets de la DEI. Mais maintenant que la démonstration est faite, il est grand temps de passer à l’étape suivante.

D’une part, je crois que c’est une obligation éthique de faire en sorte que chacun des membres de la société se sente habilité à faire carrière sans égard à son genre, à ses antécédents sociaux ou à tout autre aspect de son identité. D’autre part, en tant qu’industrie, nous sommes à notre meilleur lorsque tout le monde peut participer : la diversité est une source d’énergie et de créativité, l’inclusion est une source de motivation.

Q : Quel serait votre plus important conseil pour une organisation qui démarre un programme de DEI?

R : N’y allez pas à reculons, et ne considérez pas un tel programme comme un dossier parmi tant d’autres. Ce n’est pas une tâche accessoire vers laquelle vous tourner lorsque le temps le permet, mais une mission absolument critique.

C’est une tâche exigeante certes, mais j’y vois l’occasion de diversifier notre main-d’œuvre dans l’industrie de l’électricité, et dans le secteur de l’hydroélectricité en particulier, de façon à refléter toute la richesse de la population canadienne en général.

Et sachez-le, cela prendra du temps. On n’y arrive pas du jour au lendemain. Par contre, sur une décennie les résultats devraient être substantiels.

Q : Qu’avez-vous le plus envie d’apprendre de vos panélistes lors de la Semaine de l’hydroélectricité canadienne en octobre?

R : Nous avons trois panélistes exceptionnels, pour qui la diversité, l’équité et l’inclusion sont une passion, et qui en savent énormément sur ce sujet.

J’ai vraiment hâte d’entendre leurs conseils sur les moyens que les organisations peuvent prendre pour changer les choses, et sur la capacité des individus de contribuer à ce changement.

Et ce n’est pas seulement l’affaire du service des Ressources humaines. Je pense que nous avons tous un rôle à jouer pour créer un milieu de travail équitable et une société équitable, et je suis curieuse de recueillir leurs conseils à ce sujet.

Et j’aimerais aussi entendre des témoignages de gens qui ont persévéré dans leur carrière en dépit de différents obstacles. Cela pourra en inspirer d’autres, et leur donner le courage d’être eux aussi des agents de changement.

J’ai vraiment hâte de les entendre.

Inscrivez-vous maintenant à la Semaine de l’hydroélectricité canadienne (du 6 au 8 octobre 2021). La discussion plénière aura lieu le 6 octobre à 14 h 45, heure de l’Est.

Cette entrevue a été révisée et résumée.